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Le don et la dette : danse subtile entre coopération et déséquilibre relationnel

Le concept de don est profondément enraciné dans la nature humaine.

Depuis la préhistoire, l’entraide et la coopération étaient essentielles à la survie de notre espèce. Ce n’est pas seulement une question d’échange matériel, mais un phénomène social et psychologique, comme l’a brillamment théorisé Marcel Mauss dans Essai sur le don. Il y explore la notion de don/contre-don, un échange social qui génère une dette invisible. Cette dette, si elle n’est pas remboursée, déséquilibre la relation.

Ainsi le don crée une dette invisible qui, pour maintenir l’équilibre social, doit être remboursée.

Ce système de don/contre-don n’est pas une simple transaction, mais une forme de contrat moral et symbolique, où l’équilibre est essentiel pour éviter des tensions ou des déséquilibres relationnels.

Prenons l’exemple du potlatch pratiqué par certaines sociétés autochtones d’Amérique du Nord, où les échanges de dons ne sont pas seulement une démonstration de richesse, mais aussi une manière de consolider les relations sociales.

De la même manière, dans nos relations personnelles, donner constamment à l’autre sans recevoir en retour peut déséquilibrer la dynamique relationnelle et engendrer des frustrations.

Dans nos relations actuelles, qu’elles soient personnelles ou professionnelles, nous nous retrouvons souvent à donner sans attendre un retour immédiat. Pourtant, la plupart du temps, même inconsciemment, il y a une attente.

Et lorsque cette attente n’est pas satisfaite, comment te sens-tu ?

Que se passe-t-il dans ta relation quand tu donnes constamment sans recevoir en retour ?

Peut-être même que tu te reconnais dans le rôle de la personne qui porte tout sur ses épaules, en quête de reconnaissance, de gratitude, ou simplement d’un geste en retour.

Mais quand le don devient unilatéral, comment se dénoue cette relation ?

Comment éviter que cela ne devienne toxique ?

Le don : acte altruiste ou un contrat non-dit ?

Donner est souvent perçu comme un acte noble et altruiste.

Pourtant, même si l’on donne « sans rien attendre en retour », la réalité psychologique est souvent bien différente.

La plupart du temps, inconsciemment, le « donneur » espère une forme de reconnaissance, de retour affectif ou, tout simplement, de la gratitude.

J’ai eu une cliente, Huguette, une entrepreneure, qui soutenait financièrement son conjoint et ses proches sans limites. Elle voulait se sentir indispensable et pensait que donner l’aiderait à renforcer ses relations et à se sentir aimée. Cependant, à force de ne rien recevoir en retour, elle s’est sentie utilisée, épuisée et en proie à de la frustration. Son besoin de reconnaissance restait inassouvi, et son sentiment d’être exploitée grandissait. Elle était prisonnière de son propre rôle.

Dans vos relations, quand vous donnez qu’espérez-vous… même inconsciemment ?

Comment réagissez-vous lorsque votre attente n’est pas satisfaite ?

La dette émotionnelle : quand le don devient boulet

Lorsqu’un don n’est pas reconnu ou remboursé, il peut se créer une dette émotionnelle.

Le donneur, qui était initialement dans une démarche généreuse, peut peu à peu ressentir de l’injustice, voire de l’amertume.

Ce déséquilibre mène souvent à des relations toxiques, car l’échange initialement sain devient une source de tension.

Marie, une de mes clientes, ressentait cela avec sa sœur et sa mère. Elle donnait constamment sans jamais oser dire non, pensant que cela briserait leur lien.

À force d’accumuler des gestes non réciproques, elle développait de la rancœur, mais continuait à tout accepter.

Sa relation avec elles s’est envenimée, jusqu’à ce que chaque interaction soit marquée par des remarques sous tension, laissant éclater une agressivité latente.

Quels sont les coûts émotionnels de ta générosité excessive ?

Comment pourrais-tu utiliser cette générosité pour toi-même, de manière plus équilibrée ?

⚠️ Toute ressemblance avec des personnes réelles est fortuite. ⚠️

Le triangle de KARPMAN : victime, persécuteur, sauveur

Stephen Karpman, dans son modèle du triangle dramatique (issu de l’analyse transactionnelle d’Éric Berne), illustre parfaitement les dynamiques toxiques qui peuvent émerger lorsque les besoins dans une relation ne sont pas équilibrés.

Les rôles de sauveur, victime et bourreau s’entrelacent dans une danse répétitive où chacun alimente les frustrations de l’autre.

Le sauveur, en donnant constamment sans poser de limites, espère inconsciemment une récompense émotionnelle : de la reconnaissance, de l’amour ou de la gratitude.

Lorsque ce retour n’arrive pas, il passe progressivement au rôle de victime, ressentant de l’amertume et un sentiment d’injustice. Parallèlement, la victime qui reçoit les dons peut se sentir diminuée, alimentant une colère qui se retourne contre le sauveur, prenant alors le rôle de bourreau.

Chaque rôle entretient des attentes non exprimées, que ce soit la gratitude attendue par le sauveur ou la culpabilité ressentie par la victime. L’absence de communication authentique et de clarification des besoins contribue à l’auto-sabotage des deux parties.

Donc les relations où le don n’est pas payé en retour peuvent rapidement basculer dans des dynamiques toxiques.

Le cycle infernal des relations toxiques peut être une manifestation d’une dette émotionnelle.

L’analyse transactionnelle explicite que chaque posture nous informe des besoins que nous souhaitons combler via des transactions (échanges et discussions) interpersonnelles.

Ce type d’interaction est particulièrement visible dans le triangle de Karpman, où chaque rôle (sauveur, victime, bourreau) est défini par des besoins et des attentes sous-jacentes non satisfaites.

  • Le sauveur, en donnant sans recevoir, cherche à combler un besoin de reconnaissance ou de valorisation. En essayant de « sauver » l’autre, il néglige souvent ses propres besoins et finit par se sacrifier.
  • La victime se place en position de faiblesse, cherchant aide et protection, mais en restant passive, elle finit par développer un sentiment d’infériorité et de dépendance. Si elle ne parvient pas à répondre à ces attentes, elle peut se retourner contre le sauveur.
  • Le bourreau incarne la frustration et le contrôle. Parfois c’est un sauveur déguisé en dictateur. Il dirige, juge, attaque ou critique lorsque les besoins ou attentes ne sont pas comblés, et finit par dévaloriser la victime, créant un cycle de reproches et de ressentiment.

Quand un sauveur donne sans fin, le receveur, se sentant redevable et impuissant, peut développer de la colère et retourner cette frustration contre le sauveur (à cause de son sentiment d’impuissance)

Ce modèle démontre que donner constamment sans recevoir un équilibre émotionnel peut entraîner une dette émotionnelle, où chaque partie se sent redevable ou injustement traitée.

Lors d’un coaching avec Marie, nous avons identifié ce triangle dans sa relation avec son conjoint. Elle soutenait financièrement son partenaire, espérant secrètement que cela renforcerait leur lien. Mais son conjoint, se sentant de plus en plus dépendant et inférieur, a commencé à la rejeter, créant un cycle de reproches. Marie est passée de sauveur à victime, puis à bourreau en reprochant à son partenaire son manque d’autonomie.

Dans tes relations, quel rôle joues tu ?

Quels besoins essayes tu de combler à travers ce rôle ?

Sortir d’un relationnel toxique avec la Communication Non Violente

Heureusement, il est possible de sortir de cette spirale toxique grâce à des outils comme la Communication Non Violente (CNV), développée par Marshall Rosenberg.

Ce cadre propose une manière d’échanger plus sereine, où chacun peut exprimer ses besoins clairement et sans reproche, tout en créant un espace de dialogue respectueux et bienveillant. La CNV encourage à communiquer de façon authentique, sans agressivité, en responsabilisant à la fois soi-même et l’autre.

L’objectif est de favoriser une communication claire et respectueuse, en prenant en compte les besoins de chacun sans jugement ni critique pour améliorer les interactions humaines en mettant l’accent sur l’empathie, l’authenticité et la bienveillance.

En mettant l’accent sur l’empathie, la bienveillance, et l’écoute mutuelle, la CNV permet de construire des interactions où les besoins de chacun sont pris en compte, sans jugement ni critique.

Le véritable « sauveur » n’est pas celui qui fait tout pour l’autre, mais celui qui l’aide à gagner en autonomie.

Les étapes de la CNV se résument en quatre points principaux :

1 – Observation :

Il s’agit d’identifier les faits sans émettre de jugement ou d’interprétation personnelle. L’idée est de décrire la situation de manière neutre et objective. Par exemple, au lieu de dire « Tu es toujours en retard », une observation non-violente serait : « Je constate que tu es arrivé après l’heure prévue trois fois cette semaine. »

2 – Sentiments :

Après l’observation, il est crucial d’exprimer ce que l’on ressent face à la situation décrite. Il s’agit d’utiliser des mots comme ‘je me sens frustré’, ‘je me sens déçu’, ou ‘je me sens inquiet’, au lieu de pointer du doigt l’autre personne. Cette étape permet de nommer clairement ses émotions sans accuser l’autre.

3- Besoins :

Derrière chaque émotion, il y a un besoin non comblé. Cette étape consiste à identifier et à exprimer le besoin sous-jacent à l’émotion ressentie. Par exemple : « Je me sens frustré parce que j’ai besoin de ponctualité et de respect des engagements. »

4- Demande :

Enfin, une demande claire, concrète et réalisable est formulée pour répondre aux besoins. L’idée est de formuler une requête plutôt qu’une exigence, et de le faire de manière respectueuse. Exemple : « Serais-tu d’accord pour essayer d’arriver à l’heure aux prochaines réunions ou m’informer à l’avance si tu es en retard ? »

Dans le contexte du triangle des relations toxiques de Karpman, la CNV aide à sortir des rôles de victime, sauveur et bourreau en permettant de clarifier les attentes et les besoins de chacun.

 En identifiant leurs propres besoins, les individus évitent de tomber dans des schémas de sauvetage ou de culpabilisation:

La victime, par exemple, peut exprimer ses besoins non comblés au lieu de chercher quelqu’un pour les satisfaire à sa place.

Le sauveur, quant à lui, peut apprendre à dire non sans culpabilité, tout en clarifiant ses propres besoins de reconnaissance et d’affection.

Le bourreau pourrait, grâce à la CNV, reconnaître que sa colère cache un besoin non satisfait.

La CNV est donc un outil pour pacifier les relations toxiques, en favorisant une responsabilisation individuelle et une écoute bienveillante des besoins réciproques.

Avec Alexandre, un coaché, nous avons utilisé la CNV pour rétablir l’équilibre dans sa relation professionnelle avec un associé.

Au lieu de continuer à pallier les lacunes de son partenaire, Alexandre a commencé à poser des questions claires et à l’encourager à trouver ses propres solutions. Cette approche a rétabli l’équilibre, et la relation est devenue beaucoup plus saine.

Comment pourriez-vous intégrer la CNV dans vos relations pour clarifier vos attentes et éviter le rôle du « sauveur » ou de la « victime » ou du « bourreau » ?

Développer l’autonomie de l’autre: la clé de la coopération équilibrée

Le véritable « sauveur » n’est pas celui qui fait tout à la place de l’autre, mais celui qui aide l’autre à découvrir ses propres solutions pour devenir autonome.

Pour créer une relation équilibrée : responsabiliser l’autre et l’encourager à combler ses propres besoins est la stratégie efficace.

C’est ainsi que le cycle du don et de la dette se transforme en un partenariat sain, fondé sur la coopération.

Dans tes relations actuelles, quelles limites pourrais-tu poser pour maintenir un équilibre émotionnel sain ?

Pourquoi un coaching accélère l’évolution ?

Un coach peut t’aider à progresser plus rapidement dans la clarification de tes valeurs, de tes besoins et de tes stratégies relationnelles. Grâce à un accompagnement personnalisé, tu peux explorer ces dynamiques en profondeur et apprendre à poser des limites sans culpabilité.

En tant que coach, j’intègre souvent des jeux de rôles lors des séances pour aider mes clients à expérimenter ces dynamiques de manière concrète. Cela permet de transformer ces prises de conscience en actions réelles dans leurs relations.

Les jeux de rôles permettent de simuler des situations de communication difficiles ou des moments où les limites doivent être posées. Ainsi, mes clients peuvent s’entraîner à répondre de manière assertive, à clarifier leurs besoins et à adopter des stratégies plus équilibrées.

Comment pourrais-tu, toi aussi, tirer parti de ces outils pour transformer tes relations et clarifier tes attentes ?

PS : par respect pour la confidentialité des échanges et en accord avec la législation RGPD : les prénoms des clients ont été modifiés.

« Nos pensées deviennent nos paroles, nos paroles deviennent nos actions, nos actions deviennent nos habitudes, nos habitudes deviennent nos valeurs, et nos valeurs deviennent notre destinée. » – Mahatma Gandhi

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